Sous l’égide de la ville de Bruxelles et avec l’initiative de Faouzia Hariche, Échevine de l’Instruction Publique de la Jeunesse et de la Petite enfance, la Maison d’Art Actuel des Chartreux (MAAC) présente au sein de son espace de laboratoire de pensée et de création actuelle, des expositions de jeunes artistes émergents, ce depuis 1986.
Nancy Suarez, ayant pris la direction depuis 2003, sélectionne via un appel à projet les artistes qui peuvent résider de 3 à 6 mois dans des locaux de 900 m2. Ceux-ci comprennent des ateliers avec chauffage, un point d’eau et lumière naturelle et deux espaces d’expositions, dont un est une vitrine face à la rue des chartreux. L’aboutissement de cette période de résidence mène à une présentation et une confrontation avec le public. La dernière artiste résidente pour l’année 2016 est Anna Raimondo. Elle y expose le fruit de sa recherche fait au contact direct de la ville de Bruxelles et, en son cœur qui la fait vivre, ses habitants.
Lauréate de la bourse COCOF 2016, l’artiste italienne se représente tout au long de l’exposition dans différents médiums, tels que la photo, la vidéo et la voix sous la forme d’une sirène d’un nouvelle époque. Figure représentative de la mer, ce flux qui emporte vers le large où on échoue vers de nouvelles terres, évoque la figure féminine dans toute sa complexité, entre fantasme et menace. L’artiste a arpenté l’espace public de la ville dans ce demi-costume autour de ce propos et s’est laissée porter par le public. La queue de la sirène ne permettant pas un déplacement adéquat, invoque directement l’autre à l’aider à se déplacer. L’artiste, sans manquer d’humour, joue avec le regard d’autrui, questionnant des vérités profondes liées à notre époque, comme l’immigration ou la sexualité.
En vitrine, le passe tête Everyone is a Mermaid avec l’image d’une sirène assise sur l’Atomium, reprend le propos de l’artiste: « Se mettre à la place de ». Elle invite le public à participer lorsqu’elle lui propose d’emporter les produits dérivés de son exposition, les cartes postales et les affiche A2, et cherche le contact. La performance est double, tout comme dans sa vidéo Mi porti al mare ?, 14’18”, 2016 qui relève les différentes rencontres que l’artiste a pu faire, au gré de son parcours dans la ville avec sa queue de sirène. Anna Raimondo assume avec humour et justesse un propos sur l’identité, le féminin et la mixité sociale.
La vidéo happe le spectateur et celui ci se laisse guider par le bruit de l’eau, celui de L’eau en Senne. Il s’agit d’un parcours de l’artiste à la découverte des traces du flux d’eau dans l’espace urbain de différentes villes européennes. Tel que Bruxelles qui dans la deuxième partie du XIXe siècle, a vu ses rivières recouvertes et dont la plus importante est la Senne. L’artiste a souhaité réactiver ces zones oubliées de la ville par des bruitages en collaboration avec l’artiste Céline Bernard. En relation avec les participants d’un atelier de construction d’instruments faits main en matériaux recyclés, le son devient une image: celle de l’eau qui coule, parcourant la ville.
Enfin, l’exposition se termine par un remarquable dispositif vidéo et une installation acoustique qui mêle le son, l’écriture et l’image. L’installation audiovisuelle 5.1 A mermaid is on air, 10’50”, 2016, nous plonge dans l’univers aquatique poétique fasciné de l’artiste. Une immersion créée par la manipulation d’objets, cherchant à recréer la mer, par variation des ondes sonores. Le chant de la sirène hausse le ton allant jusqu’au soupir de l’orgasme. L’artiste réussit à captiver l’oreille et les yeux du spectateur en boucle, en immersion totale, une prouesse par rapport aux contraintes temporelles et techniques qu’impose le médium.
Anna Raimondo, L’eau en Senne from Artribune Tv on Vimeo.
A découvrir sans plus attendre jusqu’au 28/01/2017 !