Barbara Carlotti au Botanique (24/01/2019)

51159252_2292752644346650_6079951615408734208_nDandysme, exubérance et extraversion étaient au programme de ce jeudi d’hiver au Botanique. Retour sur les concerts de Mathilde Fernandez, la diva électro de Saint-Gilles, et de Barbara Carlotti qui s’est souvenue de ses origines corses par une reprise d’une audace rare.

La première fois que j’ai entendu Mathilde Fernandez il y a quelques années je n’ai pas immédiatement su que penser. Je ne savais pas dans quelle case la ranger. Je me demandais la part de sérieux de cette entreprise, je voulais analyser les émotions ressenties. En fait je me trompais, faut juste se laisser emporter. Quelques concerts supplémentaires, un live à Las Vegas (où elle n’a certainement jamais été) enregistré en studio et écouté en boucle m’ont conquis. « Égérie » est une des chansons les plus fantastiques de ces cinq dernières années. Alors, évidemment, ne vous attendez pas à la moindre objectivité dans les quelques lignes qui suivent. Dithyrambes à toute berzingue.

Le rouge est sa couleur. Elle arrive dans une magnifique combi-short/longue robe à épaulettes et à petite cornes de coudes. Je sais, c’est assez difficile à imaginer, ça a l’air d’être un peu trop, mais elle est comme ça Mathilde, parfois un petit peu excessive. Technoïsant, les beats donnent rapidement envie de danser. Et la voix, entre effets et vocalises d’opéra, est là, extraordinaire (dans le sens sortant de l’ordinaire). Sombre et gothique, chaleur et sourires, tout se mélange. « Amérique », son mini tube indé, est chanté avec une cape/drapeau américain fabriqué de façon artisanale (on voit les petites traces de marqueur). Puis elle ne s’en sert plus et il est mis à ses pieds; elle va danser dessus, le piétiner. Ô sacrilège ! « Où es-tu ? », « Oubliette », sont interprétées dans des versions endiablées, ensorcelées. Même si elle est française à l’origine, on l’a adoptée, elle nous a adopté et elle est chez elle. Alors elle est heureuse de partager avec nous ce beau moment et ça se voit.

Puis vient Barbara Carlotti. Ça fait un peu chroniqueur mode mais il faut signaler la superbe robe en lamé parce que ce n’est pas gratuit, ça a du sens, ce n’est pas juste un effet visuel. Barbara Carlotti aime la nuit, la fête, l’élégance et sa robe est tout ça. Pendant 1h40, heureux gens du public que nous sommes, nous aurons droit à une prestation dandy. À quelques reprises déjà à l’écoute des albums j’avais pensé au Palace, à ses folles soirées que je n’ai que fantasmées entre récits et photos. Et ce jeudi, dans une Rotonde bien remplie, cette ambiance de fête underground chic des années 80 m’est apparue comme une évidence.

51253894_2254992014826744_8092029951181586432_nLes chansons sont dansantes, elles évoquent la vie, la mort, l’amour, la tristesse, mais en des termes choisis avec une distinction sophistiquée. Avec elle on a « Quatorze ans », on fait le mur, on sort en boîte, on danse, on se croit plus adulte qu’on ne l’est et on est parfait dans notre jeunesse. Mais la nuit, les excès ont aussi leurs revers, leurs désillusions, alors il y a les chansons d’une beauté à pleurer. « Ouais, ouais, ouais », écrite en pensant à Ingrid Caven et Jean-Jacques Schuhl, en fait partie. Relation toxique, sadique, récit d’une fille plus belle encore quand elle a mal, quand elle pleure, est effrayante et envoûtante à la fois. L’émotion à plusieurs reprises surgit derrière les sourires et les trémoussements.

Au fur et à mesure des chansons on découvre la richesse insoupçonnée du répertoire que l’on connaissait finalement assez superficiellement. Tout est beau, les arrangements sont épurés ou luxurieux selon les morceaux, mais toujours parfaitement appropriés. Quand après 1h30 de concert elle tente une reprise du « Que je t’aime » de Johnny Hallyday, on se dit que la démarche est hasardeuse. Mais malgré quelques hésitations, parce que le moment est choisi, ça devient magique, homérique, cosmique (son mot préféré sûrement), et on est surpris et heureux de se laisser entraîner aussi loin. Et on n’est pas encore au bout de l’étonnement enchanté puisque dans un dernier rappel, avant de se retrouver au bar comme elle l’encourage vivement, elle reprend carrément à capella une splendide ode d’amour à la Corse originellement chantée par Tino Rossi (oui, oui vous avez bien lu Tino Rossi).

Et puis ça s’achève. On sort au ralenti, avec l’impression d’avoir vécu une soirée rare dont le récit sera toujours pâle à coté du ressenti. Un peu comme une fête narrée n’est jamais telle qu’elle a été.

Fripouille

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