King Krule à l’Ancienne Belgique (03/03/2020)

Notre cockney préféré était ce mardi soir à l’AB pour présenter son dernier album The Man Alive. Entre explosions de colère et chansons croonées belles à pleurer, King Krule, une fois de plus, a mis la salle pleine comme un œuf dans sa poche avec ce qu’il faut de morgue et de nonchalance.

Même si Archy Marshall aka King Krule n’affiche que 25 berges au compteur, sa voix grave, sa présence dans nos oreilles depuis quasi une dizaine d’années fait qu’on a presque tendance déjà à le compter parmi les vieux briscards du post-punk. Puis on voit sa tête de lad bagarreur et on se dit « wow, quatre albums remarquables, un EP, plus des tas de projets parallèles tout aussi respectables les uns que les autres, ça impressionne quand même à cet âge ».

Mais avant ça j’étais quand même  parvenu à choper quelques minutes de la pop folk de Jerkcurb, un des nombreux complices du King. Ça balance de solides chansons bien charpentées, bien ciselées. Sur disque j’avais trouvé ça remarquable. Mais ici, par la faute d’une exécution trop lisse, par un manque de présence évidente, ça devient vite ennuyeux. Et je ne regrette finalement pas tellement que la STIB ait décidé que je devais en manquer le premier quart d’heure.

Quelques minutes après, notre cher roux prend possession de la scène. Et là, dès les premières notes de « Has This Hit », issu du 6 Feet Beneath the Moon de 2013, déjà quelque chose se passe. Bien campé sur les jambes, la guitare mitraillette, la voix de celui qui a tout vécu et qui raconte les choses comme elles sont dans toute leur crudité, dans toute leur cruauté, King Krule, que nous n’avions plus vu sur scène depuis quelques années, n’a rien perdu de sa fougue sans effort mais non sans rage de ses vingt ans.

Le mec aux cuivres, quand il ne joue, pas danse comme un pantin désarticulé, le Moog expérimente et les morceaux s’enchaînent. Les chansons des trois albums se mélangent allègrement, sans qu’on ne réfléchisse plus à ce qui vient de l’un ni de l’autre. Rapidement « Cellular » et sa rythmique lancinante commence à gentiment faire pogoter le public majoritairement anglais des premiers rangs. Il est toujours étonnant de constater que la musique se vit différemment des deux côtés de la Manche et que le côté policé et mesuré de nos concerts se trouve vite perturbé quand on a affaire à quelque chose d’aussi profondément britannique que King Krule.

Et ce n’est pas la doublette « Alone Omen 3″/ »Half Man Half Shark » qui éteindra le feu qui est maintenant allumé par Archy et ses comparses. Et si le tendre « Slush Puppy », pour lequel il est rejoint par la délicate norvégienne Okay Kaya, pouvait nous faire croire à une possible accalmie, « Rock Bottom » est là pour nous rappeler toute la rage contenue dans les morceaux du Zoo Kid (un de ses nombreux avatars).

« Baby Blue », qui se fait approcher la fin du concert, évoque un Sinatra qui n’aurait pas essayé de faire le beau mais aurait laissé parler la petite frappe qui sommeillait en lui. « Easy Easy », énorme hymne de stade, est martelé par des cuivres aux tendances afro beat, et on se souvient que Krule cite souvent Kuti comme influence majeure. Et c’est là qu’on se dit que le miracle du londonien est celui-là, la faculté à faire cohabiter des choses a priori aussi différentes sans que jamais ça ne semble artificiel. Le rappel balancé avec un « Out Getting Ribs » méchant, sale, ressemble à du post-hip hop (comme il y a le post-punk) joué aux guitares pour qu’on n’oublie jamais que le mec a 25 ans et qu’il est parfaitement de son temps, qu’il aime le rap de sa génération.

En écrivant l’article on est intrigué par la setlist qui pioche dans tous les albums sans souci de mettre plus en avant que ça le dernier album qui n’a même pas été le plus joué ce soir. Alors on regarde les setlits des autres concerts de la tournée et on se réjouit de voir que jamais deux concerts sont les mêmes, ce qui ma foi est très rare. Et toujours faire selon les envies, selon l’humeur est peut-être aussi ce qui rend l’art dont la seule constance est la voix dingue et toujours identifiable de King Krule aussi singulier et passionnant.

Fripouille

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