Bozar, sa grande salle majestueuse, ses gens bien habillés, ses ouvreur.se.s qui nous disent où nous installer. Ce lundi, Mélanie De Biasio faisait sold-out dans cette salle, accompagnée pour l’occasion d’un nouveau line-up. Retour sur la prestation de la chanteuse et flûtiste belge.
Lumières sobres, un micro au centre, claviers, basse et contrebasse en alternance, et batterie pour l’entourer, la musique sera au cœur de la soirée, on le comprend déjà quand on s’assied dans la Grande Salle Henry Le Boeuf. On entend le souffle, presque la respiration de la chanteuse dès l’entrée, on sent la jazzwoman concentrée, presque tendue pour cette date qui, même toute habituée qu’elle soit aux honneurs internationaux, semble être importante dans sa carrière.
La salle est immense, mais bien vite on l’oublie. Mélanie De Biasio a cette particularité de voix, mélange unique d’incandescence et de retenue. Le feu intérieur est présent, mais ne s’extériorise pas encore. La technique de micro est parfaite, le son également. On entend le moindre chuchotement. « Gold Junkies » en troisième morceau en sera la meilleure démonstration. On a en tête la version bouillante de Lilies, le dernier album paru, mais ici on a droit à autre chose. Chaque spectateur est avec le groupe, chaque note prend toute sa place. Le silence a aussi toute son importance, il fait partie intégrante de la musicalité de l’art de Mélanie De Biasio. On n’est pas dans l’esbroufe de la technicité mais simplement dans l’expression pure. Axel Gillain à la contrebasse et à la seconde voix y livre sa première prestation de très haut vol. Ses murmures sur le refrain rajoutent encore une aura de mystère à l’envoûtante version du mini tube de 2017.
Peu à peu la voix et les instruments prennent encore plus d’ampleur. Tout est toujours dans la finesse, la délicatesse, l’écoute de l’autre. Mélanie bouge, emportée par la musique, elle trébuche sur un retour mais continue à chanter, elle ne peut plus s’arrêter, plus rien ne peut l’atteindre. Elle communique d’un regard avec ses complices. Sans qu’on s’en rende compte, le pied commence à tapoter, les yeux se ferment et on part ailleurs, loin, où le temps n’existe plus, ou en tout cas n’a plus la même signification. Et c’est quand elle entame, totalement habitée, presque dangereusement incarnée, « No Deal », qu’on se rappelle que le concert doit approcher de sa fin. Avec ses musiciens, elle s’éclipse une première fois de scène et revient très vite sous le feu nourri des applaudissements pour le traditionnel rappel. Ce rappel qui consistera en un unique et bouillonnant « I’m Leaving Home » qui nous signifie que le temps existe toujours.
Ceux qui me lisent ici ou me connaissent dans la vraie vie savent à quel point j’ai souvent des problèmes avec le jazz. J’y entends trop régulièrement de la démonstration technique de musiciens qui me donnent le sentiment soit qu’ils ne jouent que pour eux, soit pour impressionner leurs pairs. Ici rien de tout ça. Mélanie De Biasio confirme que si elle pourrait faire preuve sans problème du même orgueil égotique elle s’en échappe à chaque fois par la présence d’une âme et d’une expression toute personnelle.
Fripouille