Je ne suis pas très fan de séries. Je pense que le cliché qu’il y aurait plus de créativité dans ce domaine que dans le cinéma est avant tout une merveilleuse arnaque marketing. Pourtant le festival Are You Series? est depuis six ans déjà un rendez-vous que je considère incontournable. Entre bonne ambiance et sélection impeccable, je découvre à cette occasion ce qui est vraiment intéressant et parfois même audacieux.
Ennemi Public saison 2 fait l’ouverture du festival. La première saison rendait un personnage de pédophile si pas sympathique au moins fascinant. En ce sens, ça bousculait déjà un peu les codes ronronnants de la production francophone courante. La fin de la première saison annonçait un ailleurs encore plus inquiétant, un univers encore plus claustrophobe et mystérieux. Le début de la deuxième saison confirme tout ça. Chloé (Stéphanie Blanchoud) à nouveau va voir se mélanger son enquête et son passé. On pose les jalons de l’histoire avec soin voire avec lenteur, mais à la fin du deuxième épisode on veut voir le troisième; le pari est réussi.
Over The Water, deuxième série vue, narre la potentielle rédemption d’un présentateur vedette de la télévision flamande à sa sortie de cure de désintoxication. Par la générosité de son beau-père il obtient ce qui devrait être une bonne planque dans une société du port d’Anvers et le tenir éloigné de ses démons. Mais les eaux sont troubles et on sent rapidement que tout va déconner, que les espoirs de sérénité vont être emportés dans un tourbillon de magouilles. Après deux épisodes, je n’ai aucun désir de connaître la suite. C’est bon, on passe à autre chose.
Miguel s’intéresse au parcours de Tom, un homosexuel israélien, et de son enfant Miguel, adopté une quinzaine d’années auparavant au Guatemala. Par d’incessants allers-retours entre passé et présent, Tom Salman (auteur, acteur), dans une auto-fiction cruelle, interroge avec intransigeance ses motivations. Moins que les autres encore, il ne semble pouvoir être blanchi de ce qui s’apparente parfois à un trafic d’enfants légalisé. J’ai quelques réticences sur le côté tape à l’œil de la réalisation, mais le sujet me semble assez fort et original que pour tenter de voir la suite.
Comme déjà dit, je n’ai aucun intérêt pour les séries, et la fiction médicale m’indiffère au plus haut point. Mais j’aime le travail de Thomas Lilti. Je trouve que par la grâce d’une patte assez subtile et unique, et par la construction de personnages complexes, il parvient à insuffler un certain universalisme à l’hôpital. Dans sa première série Hippocrate, extension du film éponyme, une nouvelle fois je me laisse prendre par les intrigues. Au cours de la première saison on suit quatre internes qui par cause d’une épidémie se voient responsabilisés au-delà de leurs expériences et de leurs capacités actuelles. Entre doutes, émotions, lâcheté, on est avec eux, on adopte le rythme effréné d’un hôpital en sous-effectif. Drame, humour, tension font que consécutivement au festival j’ai déjà fini la saison. Et j’en conclus que des personnages bien écrits priment parfois sur une originalité forcée de l’intrigue.
Enfin je m’en voudrais de finir sans évoquer la venue d’une vraie star, j’ai nommé Marion Seclin. 300.000 abonnés sur Instagram, des vidéos qui font des millions de vues sur YouTube, Marion Seclin (ElleMady sur Insta), blogueuse, scénariste, réalisatrice, actrice, mannequin, influenceuse, féministe est la parfaite millenial qui ravage les codes de la communication 3.0, voir 4.0. Passionnante pendant toute la rencontre, elle explique avec humour et intelligence son travail auto-fictionnel, ses codes, ses limites, les mélanges de genre, les frictions potentielles avec sa vie privée. Sa nouvelle web-série La naissance de la jalousie s’attaque aux grands sujets du polyamour et de la non-possessivité. Le point de départ de cette uchronie, la monogamie considérée comme perverse, contre nature, et la jalousie comme le pire défaut qui puisse exister, m’amuse assez pour que j’ai envie d’exercer mes piètres talents de geek afin de découvrir la suite.
En conclusion je dirais que vous avez de quoi binge watcher à la place d’aller lancer des tranches de dinde à la face de votre insupportable oncle raciste.
Laurent Godichaux